Author: Wictoriane
•00:13


Le livre :
Titre original : Northanger Abbey
Date de parution : 1818
(livre achevé par l'auteur en 1803, avertissement de l'auteur en préface)
Traduction française par Josette Salesse-Lavergne
Editions Christian Bourgois (10-18)
267 pages

Le sujet
:
Catherine Morland, 17 ans, influençable, sensible et crédule, aime à s'identifier aux héroïnes des romans gothiques dont elle aime à se repaître. A l'occasion d'un séjour à Bath en compagnie du couple Allen, de vieux voisins et amis de ses parents, elle fait connaissance des Thorpe et se lie d'amitié avec la jeune Isabelle Thorpe, puis rencontre un jeune clergyman, Henry Tilney (25 ans) au cours d'un bal durant lequel il se montre charmant. Tinley est bientôt rejoint à Bath par sa soeur Eléonore, et leur père, le général Tilney. Quelques semaines plus tard, Catherine est invitée par les Tilney à séjourner dans leur propriété de Northanger Abbey, ce qu'elle accepte avec un empressement non dissimulé, autant attirée par le nom de l'endroit que par les secrets qu'elle imagine y trouver.

Le verbe :
- Ce gentleman m'aurait vraiment mis hors de moi s'il était resté avec vous trente secondes de plus. Il n'a pas à détourner de moi l'attention de ma cavalière. Nous avons passé vous et moi un contrat de mutuelle amabilité l'espace d'une soirée, et pendant que tout ce temps, l'amabilité de chacun de nous appartient exclusivement à l'autre. Nul ne peut imposer à l'attention de l'un sans insulter les droits de l'autre. Je vois la contredanse comme un emblème du mariage. La fidélité et l'obligeance y sont également les devoirs principaux, et les hommes qui ne désirent ni danser ni se marier n'ont point à s'occuper des cavalières ou des femmes de leurs voisins.
- Mais ce sont là des choses si différentes...
-...qu'on ne peut pas les comparer, pensez-vous.
- Certes. Les gens qui se marient ne peuvent plus jamais se séparer. Ils doivent au contraire sortir ensemble ou rester ensemble chez eux. Les gens qui dansent, eux, ne font que rester face à face pendant une demi-heure dans une grande salle.
(p 83)
où Henry est bien fâché que le jeune Thorpe ait abordé Catherine comme si elle lui appartenait et se met à délirer sur le mariage, j'ai trouvé ce passage irrésistible de drôlerie !! surtout quand on connaît la suite)
Mon complément :
Ce livre parle, avant tout (d'après moi), de l'importance de la lecture dans son influence sur notre vie quotidienne : dès le début, Jane Austen apostrophe le lecteur en le prenant à témoin de ce qu'elle va écrire ou ne pas dévoiler, puis le récit est largement parsemé des raisons qui déterminent une longue description ou un bref développement. Très vite, nous adhérons au rôle qui nous échoit : être au spectacle.
Et quel spectacle !

Catherine aime les livres qui évoquent les jeunes héroïnes maltraitées, persécutées, dans le genre de celles d'Ann Radcliff (Les Mystères d'Udolphe) : Jane exprime là son point de départ pour matière de son inspiration et traduit toute sa sagacité.


Son séjour à Bath en compagnie des Allen la fait entrer dans la société d'une ville à la mode : elle y découvre les plaisirs du shopping, celui des promenades en ville ou en intérieur dans des salles telles que la Pump Room.

Peu après son arrivée à Bath, alors qu'elle ne connaît personne, elle se lie d'amitié avec Isabelle Thorpe, la fille d'une ancienne amie d'enfance de Mme Allen. Isabelle Thorpe la comble dans sa solitude, elles partagent le même goût pour la littérature des romans "noirs" fabriqués pour impressionner le lecteur. Puis Catherine fait la connaissance d'Henry Tinley, le cavalier qui lui est présenté lors d'un bal, elle tombe sous son charme sincère, et elle est si heureuse que ce jeune homme semble apprécier sa compagnie, de même que sa jeune sœur Eléonore.

Dans le même temps arrive l'impitoyable John Thorpe, incroyablement sûr de son charme qui pourtant est assez balourd : il se présente comme le prince charmant, mais lui impose trop sa propre volonté : faire ceci, dire cela, Catherine n'est pas si dupe : elle sent bien que quelque chose cloche et décide assez rapidement de prendre ses distances avec ce jeune homme bien présomptueux.

Les liens entre les Morland et les Thorpe risquent cependant de se resserrer dans la mesure où le frère de Catherine, le beau James et Isabelle sont épris l'un de l'autre et annoncent leur prochain mariage.

Histoire de prendre un peu de distance avec Bath et parce que rien n'est immuable, Catherine voit d'un très bon oeil l'invitation qu'elle reçoit des Tinley à venir passer quelques semaines chez eux, à Northanger Abbey où elle estime qu'elle pourra tour à tour assouvir sa soif d'aventure, pénétrer dans un monde, des lieux qu'elle imagine formidables, et dans le même temps se rapprocher d'Henry qui semble si attentionné envers elle.

Northanger Abbey ! Ces mots étaient tellement impressionnants que Catherine en connut une véritable extase. Elle parvenait à peine à garder son calme en exprimant toute sa reconnaissance et sa joie.
.../...
Contempler, explorer les remparts et le donjon de l'un ou le cloître de l'autre. Etre plus que le visiteur d'une heure lui avait paru trop proche de l'impossible pour qu'on se risquât seulement à le désirer et c'était pourtant là ce qui allait se produire.
(p 151...153)
Nous en sommes à la moitié du livre voyez-vous, et déjà nous ne voulons pas aller dormir sans savoir la suite !!

Le séjour à Northanger Abbey est des plus amusants : d'abord effrayée par Henry qui lui décrit avec force détails une maison complètement étrange et hantée, Catherine est surprise par la grandeur et le confort de la maison de ses hôtes. Tout le monde est parfait, même le père de ses deux nouveaux amis est affable et semble ne souhaiter que son bien-être. Mais Catherine ne peut ôter de son esprit qu'avec tous ses mystérieux corridors, ses chambres impossibles à visiter, le général Tinley doit bien cacher un secret inavouable.

On nage en plein délire et on en redemande, d'autant que la suite est parsemée de quelques coups de théâtre bien vaudevilesque.

Catherine est le personnage principal de ce roman, je l'aime beaucoup et je ne la trouve pas si irréfléchie vu son âge (17 ans) et les principes de son éducation : une grande liberté parmi une fratrie nombreuse, des parents cordiaux. Je trouve Henry pas mal du tout, et même moderne : il est observateur, lecteur lui aussi, il ne déteste pas ce qu'aime Catherine et il la complimente souvent.
-Vous ressentez, comme toujours, ce qui fait honneur à la nature humaine. Il faut que de tels sentiments se fassent clairement jour pour qu'on en ait soi-même conscience.
(p 226)
Voilà ce que je souhaite écrire ce soir sur ce roman, je me garde de dévoiler trop de choses pour conserver un peu de suspens mais je me devais d'écrire au moins cela car ce livre n'est pas, au final, ce que j'imaginais à la lecture de certaines critiques : ni la 4ème de couverture, ni le fait de savoir qu'il s'agit d'une parodie des romans gothiques (alors appréciés à l'époque où Jane a imaginé cette histoire) ne peut suffire à expliquer à quel point ce roman est intelligent, drôle, et toujours "classe", même si dans cette histoire nous avons affaire à quelques coureurs de dots fort bien attrapés par leur vénalité.

Illustration de couverture
MarianaDante Gabriel Rossetti

Author: Wictoriane
•12:29


Le livre :
Titre original : Persuasion
Date de parution : 1818
Traduction française par : André Belamich
Editions Christian Bourgois éditeur
mon édition en 10/18 domaine étranger
315 pages

Le sujet
:
Angleterre. 1814. Anne Elliot retrouve Frederick Wentworth, un capitaine de marine qu'elle avait repoussé alors qu'elle avait 19 ans et lui 23, persuadée par sa famille que ce n'était pas un mari qui lui conviendrait. Huit ans après, Anne retombe sous le charme de son ancien fiancé, tandis que lui semble indifférent... Le temps de la reconquête est venu, qui finira par ouvrir les yeux (et rouvrir) le coeur de l'ancien fiancé éconduit.

Le verbe :
Henriette lui a demandé ce qu’il pensait de vous, lorsqu’ils sont partis, et il a dit que vous étiez si changée qu’il ne vous aurait pas reconnue.
Mary n’avait pas assez de sensibilité pour respecter, d’ordinaire, celle de sa sœur ; mais elle ne se douta pas le moins du monde qu’elle venait de lui faire une blessure particulière.
« Méconnaissable ! » Anne acquiesça totalement, en proie à une silencieuse et profonde mortification. Sans aucun doute, il en était ainsi et elle ne pouvait pas prendre sa revanche, car lui n’avait pas changé, pas enlaidi en tout cas.
(p 74)
Mon complément :
J'ai vécu avec Persuasion depuis si longtemps que cette lecture est un bain de jouvence, ou de connivences ou tout ce qui explique le bien-être. Bien entendu, cette attachement n'est pas rationnel. Enfin, le fait est que j'adore Persuasion.

Anne, la deuxième fille de Sir Walter Elliot, est le personnage principal de ce livre. C'est une jeune femme raisonnable, qui doit faire face à un père fat et dépensier. Celui-ci préfère nettement sa fille ainée, Elizabeth, avec laquelle ils partagent le goût du luxe. La mère est morte, et Anne trouve en Lady Russel, la meilleure amie de celle-ci, une mère de substitution.
Trop endettée, la famille Elliot accepte de louer leur château de Kellynch à un riche couple tandis qu'ils décident de se fixer à Bath, une station thermale alors à la mode et plus dans leurs moyens. Anne ne les accompagne pas tout de suite car elle reste dans le voisinage, vivre quelques mois chez Mary, la plus jeune soeur Elliot, mariée, 2 enfants. Là, elle retrouve Frederick son premier (et seul) amour. Mais celui-ci ne la regarde plus, et pire encore, semble déterminé à se marier avec une autre. Cependant, une graine de pardon s'immisce en son coeur, et peu à peu se met à croître tandis que Anne s'éloigne pour rejoindre son père et sa soeur à Bath.
Frederick l'y rejoint, prêt à lui faire comprendre qu'il l'aime.
Anne ne voyait rien, ne pensait à rien de l’éclat de la salle. Son bonheur était tout intérieur.
…/…
ces phrases commencées qu’il ne pouvait terminer…ses yeux à demi tournés et son regard plus qu’à demi expressif…tout cela proclamait au moins que son cœur retournait à elle : que la colère, la rancune, le désir de l’éviter étaient passés…
p 217

Mais il est très vite mordu par la jalousie en découvrant qu'Anne est courtisée par un certain William Elliot, qui, non content d'être le veuf heureux d'une femme épousée pour son argent, veut désormais épouser Anne pour compléter le tableau de l'arriviste parfait : fortune, titre de barronet qui lui reviendra après la mort Sir Walter Elliot et une belle petite femme, intelligente qui lui donnera une descendance.

Frederick finit par écrire une fervente lettre où il déclare son amour et Anne le persuadera que cette fois est la bonne...

« Je ne puis écouter davantage en silence. Il faut que je vous parle, avec les moyens dont je dispose. Vous transpercez mon âme. Je suis partagé entre l’angoisse et l’espoir. Non, ne me dites pas qu’il est trop tard, que ces précieux sentiments ont disparu à jamais. Je vous offre de nouveau un coeur qui vous appartient encore plus totalement que lorsque vous l’avez brisé, il y a huit ans et demi. Ne prétendez pas que l’homme oublie plus vite que la femme, que son amour meurt plus tôt. Je n’ai jamais aimé que vous. Injuste, j’ai pu l’être, faible et rancunier, je l’ai été… mais inconstant, jamais. C’est vous seule qui m’avait fait venir à Bath. C’est pour vous seule que je pense, que je fais des projets… Ne l’avez-vous pas senti ? N’avez-vous pas compris mes souhaits ?… Je n’aurais même pas attendu ces dix jours si j’avais pu lire vos sentiments comme je pense que vous avez dû pénétrer les miens. J’arrive à peine à vous écrire. J’entends à tout moment quelque chose qui me bouleverse. Vous baissez la voix, mais je puis distinguer les inflexions de cette voix, quand même elles échapperaient à d’autres… O parfaite, excellente créature ! Vous nous rendez bien justice. Vous êtes sûre que l’attachement et la constance véritables existent parmi les hommes. Soyez assurée de les trouver infiniment fervents, infiniment fidèles chez
F. W.
Il faut que je parte, incertain de mon sort ; mais je reviendrai ici ou bien je rejoindrai votre groupe dès qu’il me sera possible. Un mot, un regard suffiront à décider si j’entrerai chez votre père ce soir, ou jamais. »



Il ne s'agit bien évidemment pas seulement d'une histoire d'amour, qui commence mal et qui finit bien. Pas tout à fait. Jane Austen nous guide, avec son style réjouissant, dans le monde conventionnel de la société qui fut la sienne, une société qui faisait la part belle à la descendance, la prestance, et qui n'avait que faire de la cordialité et de l'intelligence.

Je décide de ne pas parler dans ce billet de tous les personnages de ce roman, il y aurait beaucoup à dire. Juste ajouter que la multitude n'est pas du tout encombrante : Jane Austen situe parfaitement les protagonistes, les noms ne sont pas compliqués (c'est important) et l'imagination du lecteur garde une certaine liberté.

Je suis (je n'ai aucune honte !) certainement un peu amoureuse de Frederick moi aussi... J'ai d'ailleurs noté que nous "perdons" le personnage de FW durant 62 pages (c’est très long !!!) :
  • départ de FW à la fin du chap XII (p 141)
  • retour de FW au chap XIX (p 203)


ancienne carte d'Angleterre (1812)

L'action du récit se situe dans des contrées fictives de régions identifiables : Bath dans le Sommerset Shire (sud-ouest), Lyme dans le Dorset Shire (sud)
Kellynch est situé à 50 miles de Bath (80 km environ)
Uppercross est à 3 miles (5 km) de Kellynch


Ce site a été créé en mai 2010, sur l'impulsion d'une lectrice admiratrice de l'auteur ; sont ici proposés des avis qui ne sont en aucun cas des critiques professionnelles, merci de ne pas vous approprier mes propos (qui sont par ailleurs parus dans mon blog et ma bibliothèque Babelio).