Author: Wictoriane
•10:03
Lorsque les convenances prennent le dessus sur la véritable affection...

Le livre :
Titre original : Mansfield Park
Date de parution : 1814
Traduction française par : Denise Getzler
Editions 10/18 domaine étranger
500 pages


Editions anglaises

Le sujet
:
Angleterre. Portsmouth, la jeune Fanny Price, 10 ans, quitte ses parents et ses nombreux frères et soeurs car elle est prise en charge par son oncle Sir Thomas Bertram, époux fortuné de sa tante Maria. A Mansfield Park, sa nouvelle résidence, Fanny va désormais apprendre à vivre loin des siens, se familiariser avec sa nouvelle parenté : son oncle si impressionnant, sa tante Maria, si insouciante, son autre tante Norris, si méchante, et ses cousins et cousines : Tom (17 ans), Edmond (16 ans), Maria (13 ans) et Julia (12 ans). L'intégration dans ce petit monde fortuné n'a d'autre but que de l'instruire, et de lui permettre une autre vie car sa propre famille a du mal à joindre les deux bouts.
Les années passent, au cours desquelles Fanny trouve en Edmond plus qu'un frère : un confident irremplaçable.

Le verbe :
On la conduisit dans un petit salon, de dimension si modeste qu'elle crut tout d'abord que ce n'était qu'un couloir qui donnait sur quelque chose de plus grand, aussi demeura-t-elle un moment à attendre qu'on l'invitât à avancer ; mais quand elle s'aperçut qu'il n'y avait pas d'autre porte et vit sous ses yeux des marques d'habitation, elle rassembla ses esprits, se reprit, craignant qu'ils n'eussent soupçonné ses pensées. Sa mère ne resta toutefois pas assez longtemps pour soupçonner quoique ce fût. Elle était à nouveau à la porte d'entrée pour accueillir William.
(p 406, lorsque Fanny revient chez ses parents qu'elle n'a pas revus depuis 8 ans !)
Mon complément :
Voici de mon point de vue, l'histoire la plus poignante de Jane Austen : il y est question d'une petite fille en quelque sorte "adoptée" par ses oncles et tantes. Elle quitte donc sa famille pour s'installer à Mansfield Park, à environ 160 km de sa ville natale. Dans sa nouvelle demeure, elle se heurte à l'indifférence de tous, seul son cousin Edmond son ainé de 6 ans lui témoigne une réelle affection et devient son intime.

Sa tante Lady Bertram n'est préoccupée que de ses petits chiens, et laisse l'éducation de ses filles au bon vouloir de sa soeur Norris, épouse du révérent qui officie à Mansfield Park. Maria et Julia se comportent avec leur jeune cousine comme de petites pestes hautaines et moqueuses.
Elles ne manquèrent pas de regarder de haut leur cousine lorsqu'elles s'aperçurent qu'elle ne possédait que deux ceintures bouffantes et n'avait jamais appris le français, et, quand elle découvrirent que le duo qu'elles avaient eu la bonté de jouer ne l'avait que peu impressionnée, elles se contentèrent de lui faire généreusement don de leurs jouets les moins appréciés, et de la laisser dans son coin, tandis qu'elles partaient s'adonner au divertissement favori du moment, confectionner des fleurs artificielles ou gâcher du papier doré.
(p 18)
Les choses bougent un peu à Mansfield : Fanny a 15 ans, Sir Thomas part pour s'occuper de ses affaires à Antigua, et tandis que ses filles se moquent de son départ, Fanny en est toute peinée. L'oncle restera quand même absent plus d'une année !


Puis le révérend meurt et la tante Norris laisse le presbytère aux époux Grant pour s'installer dans une petite maison aux alentours.

Au bout de 3 chapitres nous retrouvons Fanny en jeune fille, aimable, respectueuse, qui ne songe qu'à faire ce que l'on attend d'elle, jamais d'éclats, même si quelque chose lui déplait.

Elle estime et craint beaucoup son oncle Thomas, un homme d'affaires qui semble assez ignorant des injustices qui se déroulent sous son toit, car Fanny est continuellement remise à sa place, essentiellement par le comportement général de la famille vis à vis d'elle : elle ne sort jamais, n'est jamais invitée nulle part en compagnie de ses cousines qui n'ont que deux et trois ans de plus qu'elle, reste continuellement en compagnie de sa tante Bertram, une femme lymphatique, fatiguée de ne rien faire et de ne penser à rien sauf à elle-même.
Sa tante Norris surtout a envers elle un comportement odieux car elle n'arrête pas de la rabaisser tout le temps.

Ma parole, Fanny, vous avez grandement de la chance d'être l'objet de tant d'attentions et de marques de complaisance ! Vous devriez témoigner la plus grande reconnaissance à madame Grant qui a songé à vous, et à votre tante qui vous permet de vous rendre au presbytère, et cela devrait vous apparaître comme une chose extraordinaire : car j'espère que vous vous rendez compte qu'il n'y a aucune raison réelle pour que vous vous joigniez ainsi à cette compagnie, ou que vous soyez du tout invitée à dîner ; et comptez bien que cela ne se reproduira plus.
(p 235, où Fanny, 18 ans quand même, est invitée au presbytère, à 800 mètres de Mansfiel Park, sa tante Norris en est toute mortifiée !!!)
L'arrivée des Grant amène la soeur et le frère de madame Grant : Mary Crawford et monsieur Crawford, deux jeunes gens fortunés qui viennent semer un peu le trouble de la petite vie pépère de Mansfield park. Alors que Mary tombe amoureuse d'Edmond mais se refuse à devenir la femme d'un clergyman peu fortuné, Crawford jette son dévolu sur Maria, fiancée à un homme sot mais riche, il feint cependant d'être attiré par Julia, pour finalement courtiser la pauvre Fanny qui n'a que faire de ce soupirant dont elle se méfie et qu'elle a du mal à estimer.

Tandis qu'Edmond est déçu par le comportement de Mary Crawford car il sent qu'elle prend ses distances malgré leur estime commune, Fanny est désespérée car elle ne peut répondre à l'offre de mariage de Crawford qu'elle n'aime pas.

"Non ma chère, pareille idée ne me viendrait pas à l'esprit, en un moment où une offre comme celle-ci se présente à vous. Je me passerai de vous, si vous épousez un homme qui possède comme monsieur Crawford une si belle demeure. Et il faut que vous vous rendiez compte que c'est le devoir de toute jeune femme que d'accepter une offre aussi irréprochable que celle-là.
(p 356)

Tous les ingrédients sont distribués pour permettre à Jane de nous mitonner sa recette préférée, à savoir une bonne petite comédie dramatique des plus relevées, saupoudrée d'ironie, liant le tout grâce à l'observation sans concessions des comportements des individus, plus portés par leurs devoirs et les convenances que par leurs véritables affections.


Comme je le disais en début de ce paragraphe, j'aime infiniment cette histoire que je trouve la plus émouvante de toutes car elle met en scène le destin d'une petite fille arrachée à sa famille. Elle se retrouve au sein d'une famille qui ne lui porte aucune affection, mais au contraire lui fait ressentir sa différence, vis à vis de ses cousines notamment. Certes, elle vit dans une belle demeure, mange à sa faim, est bien habillée, mais sa solitude serait infinie s'il n'y avait la sollicitude de son cousin Edmond que je trouve extrêmement attachant.

Mention particulière pour le portrait de la tante Norris, que Jane égratigne avec beaucoup d'inspiration.

Et pour finir ce billet, un extrait qui m'a bien amusée :

"Ecoutez ce que j'ai à vous dire, Fanny, et c'est plus que je n'en ai fait pour Maria, la prochaine fois que mon carlin aura une portée, je vous donnerai un de ses chiots."
(p 356, où Lady Bertram promet un petit chien à Fanny parce qu'elle a été demandée en mariage)


Couverture du livre : The Bower Meadow par Rossetti




Drame de typo !!

S'il vous avait écrit à vous, ...


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